Dominique Plihon : « Trump défend d’abord les multinationales »

Alors que le nouveau président américain a dénoncé l’accord de libre-échange transpacifique (TPP), Dominique Plihon (Attac) revient sur le protectionnisme à la mode populiste. Entretien.

Vous vous opposez aux traités de libre-échange, Donald Trump aussi. Pourtant vos analyses divergent, comment l’expliquer ?

Trump, c’est « America first », le nationalisme, l’absence totale de coopération internationale. Il a une vision extrêmement négative et restrictive de la mondialisation. Nous, nous sommes contre les accords de libre-échange car ils sont faits dans l’intérêt des firmes transnationales. Nous ne sommes pas opposés à des accords internationaux mais nous voulons qu’ils soient organisés sur des bases différentes. On propose qu’on parte des valeurs fondamentales inaliénables, comme celles consacrées par la Déclaration universelle des droits de l’homme. Et après, on peut organiser des échanges sur cette base. Trump, lui, est dans une logique purement nationaliste et souverainiste. S’il y a une analogie à faire entre lui et nous, c’est la volonté de contrôler le commerce international.

 

Pensez-vous que l’on fait face à un tournant protectionniste des États-Unis ou bien ont-ils toujours été dans une logique de défense de leurs intérêts ?

Les États-Unis ont toujours été dans une logique de défense de leurs intérêts. Au départ, il est vrai qu’ils étaient plutôt libre-échangistes, avec une volonté d’ouvrir les frontières, surtout celles des autres… Ils ont été à l’origine de tout ce qui tourne autour des droits de propriété intellectuelle pour protéger l’avance des multinationales américaines. Selon ce qui les arrange, ils savent aussi bien être dans la protection que dans le libre-échange. Avec Trump, on assiste à un changement d’attitude fort. Son protectionnisme est plus radical. Mais avant Trump, le Congrès avait déjà pris des décisions défavorables au Tafta.

 

Trump prétend qu’il veut renégocier les traités pour faire revenir le travail aux États-Unis. Est-ce qu’il est prêt à voir chuter les bénéfices des multinationales qui ont délocalisé leurs usines au Mexique ? Ou bien peut-on imaginer qu’il va promouvoir une exploitation des travailleurs américains afin que les firmes maintiennent leurs marges ?

Trump vient d’arriver. Il faut le juger sur ses actes. C’est un milliardaire, il est d’abord défenseur des intérêts des multinationales. On peut s’attendre à ce qu’il prenne quelques mesures symboliques contre la délocalisation. Mais il va surtout défendre les intérêts américains à l’étranger. Les entreprises américaines sont bien implantées dans le monde, notamment dans les pays émergents. S’il fait du protectionnisme, il y aura inévitablement des mesures de rétorsion, en Chine par exemple. On verra alors ce qu’il fera, jusqu’où il ira. Mais je suis prêt à parier qu’il n’ira pas très loin. Je pense qu’il y a des contradictions énormes dans son discours. Il veut défendre les intérêts des petits blancs mais il est surtout attentif aux dividendes.

 

Trump s’oppose au libre-échange en même temps qu’il fait marche arrière sur le climat. Qu’est-ce que ça vous inspire ?

C’est cohérent. Nous, on a dit : « changez le système, pas le climat ». On dit : « signer le Ceta va à l’encontre de la lutte contre le réchauffement climatique ». Lui, il ne fait pas le lien. Il fait du protectionnisme mais pas pour la défense du climat. Trump veut déréglementer l’exploitation des ressources. Il veut exploiter le gaz de schiste. Il est protectionniste pour défendre l’emploi. Mais attendons de voir. Il ne peut pas renier les engagements de la COP21 sans conséquences. Il y a des contradictions de sa part, et de la part de celui qui s’occupe de l’agence pour l’environnement et qui a fait des déclarations apaisantes sur le climat. En revanche, il est certain que les Etats-Unis ne joueront pas un rôle moteur dans la lutte contre le réchauffement climatique. Par ailleurs, il y a la volonté de ne plus dépenser pour les autres. Ils n’aideront pas les pays du Sud à financer leur transition énergétique. C’est une catastrophe pour le pays le plus riche de la planète.

 

Vous luttez contre le libre-échange au nom de la préservation de l’environnement, d’une répartition plus juste des richesses. Et en face, Trump, le FN, proposent un protectionnisme de droite. Ce protectionnisme-là peut-il avoir un impact sur la répartition des richesses ?

Le protectionnisme de droite ne s’intéresse pas à la répartition des richesses dans le monde. C’est un protectionnisme tourné vers les nationaux, et pas tous les nationaux : pas ceux qui ont immigré récemment. Cela pose d’ailleurs la question des migrations. Nous sommes pour la libre-circulation protégée par la charte des Nations unies, surtout quand il y a derrière des oppressions politiques, des crises économiques, la famine, la pauvreté. Elle doit être bien sûr régulée par des accords entre les pays d’arrivée et de départ, mais il faut que cette liberté soit préservée.

Réalisé par Maëva Gardet-Pizzo

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